F.A.Q. (fr)

 

PM2.5 & Pollutrack

1Pourquoi les particules en suspension dans l’air sont-elles dangereuses ?

Plus les particules sont fines, plus elles sont dangereuses pour la santé. Les particules fines de moins de 2.5 microns, appelées PM2.5, pénètrent profondément le système respiratoire. Les plus petites d’entre elles sont même capables d’envahir durablement le réseau sanguin en franchissant les alvéoles pulmonaires…

Toutes les particules en suspension ne sont pas dangereuses, heureusement. Les plus grosses, tels le pollen, le sable et la plupart des poussières sont certes désagréables et peuvent même parfois provoquer des allergies, mais leurs effets sur la santé sont limités.

Par contre, une catégorie bien précise de particules, les PM2.5 appelées Particules Fines, qui mesurent moins de 2,5 microns (un diamètre 20 à 40 fois inférieur à celui d’un cheveu fin) sont particulièrement nocives car leur petite taille leur permet de pénétrer profondément le système respiratoire. Elles contribuent fortement à l’asthme et à de nombreux problèmes respiratoires majeurs dont la BPCO, pouvant aller jusqu’au cancer du poumon chez le non-fumeur surexposé.

Les plus petites d’entre elles, en-dessous de 1 micron, arrivent même à franchir la membrane séparant les alvéoles pulmonaires du réseau sanguin. Une fois dans l’organisme, où elles restent durablement, ces particules peuvent provoquer maladies du sang, AVC, attaques cardiaques et cancers digestifs. Elles sont également responsables d’atteintes du fœtus chez la femme enceinte…

2Pourquoi ne les suit-on bien à grande échelle que depuis récemment ?

Tout simplement en raison d’une invention inattendue qui a brutalement tout chamboulé : la possibilité de compter les particules y compris les plus fines à partir de microcapteurs laser. Ces microcapteurs, beaucoup plus accessibles tant sur le plan coût et facilité d’utilisation que les anciens instruments de pesage des particules grossières (les PM10) permettent dorénavant et sur base mobile de compter plus spécifiquement les particules fines PM2.5 localement, rue par rue et à hauteur de respiration.

Il s’agit d’une rupture technologique majeure, qui a permis à Paris de devenir la ville la mieux équipée du monde en surveillance de la qualité de l’air.

Les particules fines PM2.5 ont toujours été suivies régulièrement, mais avec un nombre très limité de stations de contrôle, en raison du coût élevé des instruments de précision nécessaires à leur pesée. Sur Paris, il y a trois stations dites de référence, l’une de Fond Urbain (anciennement située Place Stravinsky, dorénavant installée Jardin des Halles) et les deux autres, dites Stations Trafic, situées le long du périphérique Ouest (Porte d’Auteuil) et Est (Saint-Mandé). Ces trois stations répondent parfaitement aux directives européennes de surveillance de la qualité de l’air, mais ont avantage à être complétées par un maillage plus fin notamment pour le centre-ville.

La surveillance très localisée des particules fines est donc devenue possible grâce à l’arrivée d’une nouvelle technologie beaucoup plus accessible : le comptage laser des particules. Ces nouveaux laser permettent de compter en temps réel le nombre de particules dans chaque quartier, rue par rue et à hauteur de respiration. C’est ce que nous avons mis en place avec Pollutrack, dans le cadre d’un partenariat signé en février 2017 entre la Ville de Paris, Airparif, le distributeur d’électricité Enedis qui a mis à la disposition de la ville l’ensemble de sa flotte de véhicules électriques pour « tracker la particule », ainsi que la Fondation du Souffle, un groupement de médecins experts spécialisés dans les pathologies respiratoires et cardiaques, visionnaires et très au fait des aspects qualité de l’air.

3Pollutrack, en bref ?

400 véhicules électriques qui contrôlent H24 et 7 jours sur 7 la qualité de l’air à hauteur de respiration, des grands axes aux ruelles les plus étroites. Un système sans équivalent mondial à ce jour.

Pollutrack à Paris, c’est 300 véhicules électriques de la flotte Enedis qui parcourent quotidiennement les grandes artères de la Capitale, mais également ses rues et ruelles dans le cadre de leurs activités régulières. L’innovation vient du fait que des capteurs laser de particules fines ont été installés sur l’ensemble de la flotte, vous pouvez d’ailleurs les observer sur le toit de leurs véhicules bleus très facilement identifiables et circulant dans tout Paris.
Chaque laser compte à chaque seconde le nombre de particules entourant chaque véhicule et envoie par GSM une donnée moyennée toutes les dix secondes, après dix comptages laser pour assurer la fiabilité de la mesure, comme montré sur cette vidéo de France Info.
https://www.francetvinfo.fr/meteo/particules-fines/pollution-un-nouveau-capteur-de-particules-fines-plus-precis_2250861.html

Paris avec Pollutrack réalise une première historique : l’apport complémentaire d’une centaine de Zoé de la flotte de VTC Marcel (Renault) permet d’obtenir chaque jour 2 millions de comptages des PM2.5 et l’enregistrement géographique de près de 200 000 données qualifiées quotidiennement.

L’accumulation de ces mesures prises à hauteur de respiration permet de connaître ainsi avec précision, en fonction de la topologie propre à chaque quartier, l’exposition des piétons – dont les enfants notamment en poussette, parmi les plus fragiles et pourtant les plus exposés – des cyclistes, des joggers, enfin de toute personne amenée à se déplacer dans l’hypercentre de la ville.

4Quels enseignements comptez-vous en tirer ?

Enormément d’informations, plus riches chaque jour. On change véritablement de dimension : cette innovation a permis de rendre visible l’invisible, de suivre de près ce qui affecte vraiment la santé des citadins sans qu’on ne puisse ni sentir ni voir l’agresseur.

Cet outil va permettre de délimiter les zones très basses émissions où la qualité de l’air est un facteur critique, notamment à proximité des écoles et des centres de soins. Pollutrack permettra également de mesurer les progrès accomplis dans ces zones sensibles.

Les informations tirées de ces dizaines de millions de comptages laser sont déjà très riches, mais nous devons maintenant prendre le temps d’exploiter ce Big Data une fois de plus unique et sans équivalent, provenant par ailleurs de la ville la plus dense du monde occidental, ce qui en fait l’intérêt majeur.

Ces relevés vont permettre d’identifier les quartiers, les rues, voire les portions de rues, où l’exposition est supérieure à la moyenne, soit en raison du trafic, soit également en raison de la configuration de la rue, avec notamment ce qu’on appelle l’Effet Canyon, quand une rue étroite par rapport à la hauteur des bâtiments la bordant favorise l’accumulation des particules fines par manque de circulation d’air.

On peut également dorénavant repérer les sources de pollution autres que la circulation, notamment certaines bouches d’aération du métro ou du RER, des chantiers, les entrepôts de bus diesel et toute autre source génératrice de particules fines.

5Et « au bout du bout » ?

C’est une avancée majeure : en suivant les particules fines depuis le tout début de leur formation, nous avons entre nos mains un outil qui observe voire anticipe la survenue d’un pic, ce qui donne la possibilité de réagir avant que le pic ne s’installe.

Les alertes d’antan étaient basées sur les particules grossières PM10, donc étaient déclenchées bien trop tardivement. Villes et Citadins changent d’époque, à l’instar des acteurs du secteur automobile, obligés de s’adapter. Le thermique en ville, c’est terminé…

L’exploitation en cours de ces deux premières années de mesures réalisées à travers les rues de Paris montre également que le phénomène est plus complexe qu’il n’y parait.

Les sources principales des émissions primaires de PM2.5 sont d’ores et déjà bien connues. La ville travaille d’ailleurs activement à les réduire notamment en incitant les résidents à moins utiliser leur véhicule ou à le partager, en encourageant toutes les alternatives d’écomobilité, en offrant des primes aux taxis à l’achat de véhicules propres, en régulant le trafic dès qu’un pic commence à se former au lieu d’intervenir souvent trop tard comme c’était le cas en suivant les PM10 au lieu des PM2.5…

https://www.paris.fr/pages/les-actions-de-la-ville-pour-une-meilleure-qualite-de-l-air-7103

Un phénomène plus complexe et insuffisamment documenté à ce jour, mis en évidence à partir des deux premières années de données Pollutrack, sollicite une attention toute particulière : il s’agit de la formation de particules fines PM2.5 secondaires, qui résultent de la recombinaison chimique à distance des gaz d’échappement, recombinaison qui se produit loin derrière les véhicules.

Ces particules fines issues de la recombinaison distale des gaz ne sont toujours pas prises en compte par les systèmes de contrôles techniques actuels, et ne peuvent être modélisées en raison de la complexité de leur formation et de leur dispersion. Seules les mesures effectuées en temps réel et vraie vie à hauteur de respiration permettent d’avoir une idée précise de la présence et du nombre de ces particules fines, bien au-delà du simple pesage en un seul lieu pratiqué ces dernières décennies.

6En quoi ces PM2.5 secondaires posent-elles problème ?

Leur formation, comportement et dispersion sont des phénomènes très complexes, difficilement modélisables. Seule la mesure vraie vie en des milliers de points et à hauteur de respiration permet de connaître le véritable niveau d’exposition de chaque individu.

C’est tout l’intérêt du système Pollutrack. Autant la formation et l’origine des PM2.5 primaires est connue et donc gérable (filtres à particules obligatoires pour tous les véhicules récents, retrait des véhicules les plus anciens, incitations à changer de chaudière et à ne pas utiliser de cheminée à foyer ouvert…), autant la connaissance des PM2.5 secondaires est délicate, car infiniment plus complexe.

La transformation des gaz d’échappement (surtout du NO2 du diesel dont on sait depuis le Dieselgate combien les émissions ont été truquées par nombre de constructeurs automobiles) en particules fines dépend du vent, de l’ensoleillement, de la concentration des gaz, de la température, de l’humidité et de nombreux autres facteurs qui varient d’une saison, d’un jour voire d’une heure à l’autre…

Seuls ces millions de comptages « Vraie Vie » et temps réel des taux de PM2.5 à hauteur de respiration réalisés avec Pollutrack vont nous permettre de suivre, quantifier et ensuite maîtriser les lieux de formation ou d’accumulation, parfois inattendus, de ces particules secondaires.

7Quelques idées des lieux à haut niveau de PM2.5 à ce jour ?

Oui, avec une précision remarquable. Les prochains mois seront consacrés à la qualification des sources de pollution primaire déjà identifiées, et de manière totalement inédite, à la délimitation des zones de formation et d’accumulation de cette redoutable pollution secondaire qu’il était jusqu’à ce jour impossible à modéliser.

La prochaine étape consistera à éradiquer les sources primaires et à envisager de classer les quartiers présentant de nombreux hotspots dus à la pollution secondaire en Zones à Très Basses Emissions, interdites aux véhicules thermiques, notamment en proximité d’école.

Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives, mais certaines tendances fortes émergent clairement après ces deux années continues de relevés Vraie Vie des particules fines.

En dehors de sources primaires élevées par nature, tels le périphérique, les grands axes de circulation intramuros mais également les chantiers et les entrepôts ou aires de stationnement des bus thermiques, taxis, cars de tourisme ainsi que des derniers TER au diesel dans les gares SNCF, la répartition de la pollution secondaire comme nous l’avons vu précédemment est bien plus complexe.

Pour faire simple, disons qu’elle « suit le vent », et que cette pollution secondaire ne se fixe sur Paris que par temps particulièrement calme et ensoleillé, notamment l’hiver lorsque la courbe de température s’inverse (effet cloche). Le niveau de PM2.5 global, donc le cumul primaire + secondaire, est plus élevé l’hiver, non seulement en raison du chauffage et du fait que les véhicules sont plus polluants par temps froid, mais aussi parce que les conditions anticycloniques prédominent.

A titre d’illustration, dès que l’air circule à moins de 5 km/h au-dessus de la capitale par beau temps, le risque d’un pic de pollution est avéré : il faut moins d’une heure pour que se forment les particules secondaires, soit à cette vitesse une distance parcourue de 5 km correspondant au rayon de Paris…

Si par exemple l’air circule du sud vers le nord, les gaz d’échappement du périphérique sud se retrouveront… Rive Droite, sous forme de particules fines, les PM2.5 secondaires. Par contre, dès que le vent circule à plus de 10 km/h, la dispersion est suffisante pour que cette pollution secondaire ne retombe pas sur Paris, mais au-delà de ses 10 km de diamètre, donc à l’extérieur de la Capitale.

Elle impacte alors les villes limitrophes, la pollution à Paris ne concerne donc pas que les Parisiens…

Une fois connues avec précision la localisation prédominante et la dynamique de ce que l’on appelle les hotspots de pollution urbaine aux PM2.5 secondaires, il sera alors facile de montrer l’intérêt de piétonniser certaines rues, notamment celles à effet canyon, voire de rendre des quartiers entiers « zéro émission » à l’instar de ce que Londres vient de commencer de faire. Cela afin d’éviter le combiné Pollution Primaire des émissions locales et Secondaire formée à distance des véhicules.

Ces quartiers seront alors réservés à l’écomobilité avec interdiction globale de toute motorisation thermique, du scooter au véhicule de livraison, jouissant d’une qualité de l’air nettement améliorée…

8En clair, on respire comment à Paris ?

Pas trop mal, quand on réalise que Paris, avec ses 2 200 000 résidents sur 105 km² et ses quelque 50 millions de visiteurs chaque année est la ville la plus dense du monde occidental…

C’est aussi la sixième densité mondiale, le problème de la qualité de l’air n’est donc pas simple à gérer. Pourtant, notre moyenne annuelle de PM2.5 d’environ 15 µg/m3 reste dans une bonne moyenne, même si elle est toujours supérieure aux 10 µg/m3 de l’OMS.

Il faut cependant diminuer drastiquement le nombre de jours de dépassement du seuil PM2.5 de 25 microgrammes de particules par m3 d’air sur 24 heures fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé. Nous franchissons ce seuil une quarantaine de fois par an, alors que l’OMS recommande de se limiter à trois jours annuellement... L’objectif de Paris est de devenir une « Ville Respirable OMS » en se rapprochant des recommandations de l’organisation, et la Ville mettra tout en œuvre pour y arriver.

Il reste donc encore du travail, nous nous y contribuons avec détermination après avoir déployé Pollutrack à travers toutes les rues de la capitale, faisant déjà de Paris la ville la mieux équipée du monde en termes de détection des particules fines.

9Les parisiens comprennent-ils votre démarche d’amélioration de la qualité de l’air ?

Progressivement, mais il reste pas mal de pédagogie à faire auprès notamment des « sportifs urbains » dont et surtout les joggers qui pratiquent leur discipline sportive favorite parfois en plein pic, alors qu’ils inhalent 6 à 12 fois plus d’air qu’au repos… Il reste aussi à se pencher de près sur l’exposition à la pollution de l’air des enfants dans les établissements scolaires, très variable d’un quartier à l’autre…

Toutes les initiatives citoyennes et collectives allant dans le sens d’une meilleure qualité de l’air pour tous sont répertoriées sur :
https://www.paris.fr/pages/les-actions-de-la-ville-pour-une-meilleure-qualite-de-l-air-7103

C’est par la participation de tous et de chacun que Paris aura valeur d’exemple…

10En conclusion : que peut-on faire individuellement ?

Individuellement, lutter sans cesse et avec détermination contre l’autosolisme, le fait d’être seul dans un véhicule. Se convaincre soi-même mais aussi convaincre ses proches…

Le taux d’occupation moyen d’un véhicule à Paris est de 1,1 personne, c’est l’un des plus bas du monde. Cette situation est inacceptable dans une ville disposant d’un tel réseau de transports en commun et des alternatives les plus modernes qui soient en mobilité douce.

Soyons optimistes, moins de 10% des Parisiens utilisent leur véhicule en semaine, et à peine un tiers d’entre eux possèdent une voiture, dont l’usage est surtout dédié aux vacances et au week-end. Le Parisien est aussi le citadin qui se déplace le plus à pied, représentant 50% des trajets intramuros, un fait également unique au monde…

Ce qui signifie malheureusement que la congestion parisienne, et donc la pollution intramuros, trouvent leur origine à l’extérieur de Paris. Aux côtés des travaux d’Île de France Mobilités qui trainent en longueur dans Paris intramuros, l’insuffisance de grands parkings aux portes de la Capitale ou près des stations de train et de RER est un vrai problème que la Région n’a jamais réussi à régler, et qui devra devenir une priorité du Grand Paris si l’on veut que la situation s’améliore significativement.

Nous réfléchissons à de nouveaux moyens efficaces pour décourager cet autosolisme et encourager l’autopartage ou le covoiturage. Le free-floating et de nouvelles applications très accessibles vont y contribuer progressivement.

La pratique du vélo se développe également rapidement suite à la multiplication des pistes cyclables sécurisées sur des trajets de plus en plus longs. Nous avons beaucoup de retard à rattraper, puisque le vélo ne représente encore que 5% des déplacements contre près de 30% dans les pays nordiques, au climat pourtant plus défavorable. Mais le recours au vélo, notamment électrique, est en progression constante, c’est très encourageant.

Nous inciterons également tous les livreurs à rouler propre, voire à adopter des trois roues électriques pour l’hypercentre, le plus exposé au fort développement du e-commerce. Les livraisons représentent jusqu’à la moitié du trafic – et sources d’embouteillage - dans certains arrondissements à forte densité. Les utilitaires thermiques ne feront pas partie des zones à très faibles émissions qui seront inéluctablement mises en place dans les quartiers où la combinaison des pollutions primaire et secondaire pose un vrai problème de santé publique.

Pour finir, soyons clairs : la voiture en elle-même n’est pas un problème en ville, si elle est propre, petite et partagée, et si elle épargne les quartiers où circuler à pied est un plaisir légitime. Par contre, le SUV occupé par un seul individu (80% des autosolistes sont des hommes), c’est bientôt terminé…